Le decrassage

Introduction

Arbitrer un match entraîne physiologiquement un certain nombre de phénomènes inflammatoires (destruction des fibres), une diminution des réserves énergétiques (glycogène), perte de sels minéraux, oligo-éléments (potassium, calcium, magnésium) et une fatigue musculaire (production d’acide lactique provenant de la combustion du sucre en l’absence d’oxygène).

Au cours d’un match, en fonction du niveau de la compétition, la dépense énergétique est élevée voire très élevée pour un arbitre central et à moindre cout pour un arbitre assistant. Le coeur est incapable d’amener suffisamment de sang vers les muscles en action. A un certain niveau d’intensité les muscles manquent d’oxygène, ils ne parviennent à fournir un effort qu’en produisant de l’acide lactique. Lorsque cet acide lactique augmente dans les muscles il est de plus en plus difficile de poursuivre un effort.

Du fait de ma proximité avec les arbitres de la Ligue de Football Nouvelle Aquitaine, j’entends des d’arbitres faire un décrassage aussitôt le match terminé ou le lendemain sans en connaitre les répercussions physiologiques. La seule préoccupation pour les arbitres une fois rentré(e)s au vestiaire c’est de faire attention à sa récupération.

I Le décrassage c’est quoi ?

Ce terme est souvent employé chez les arbitres mais pas toujours à bon escient. Mais à quoi sert cette séance ? Le décrassage évoque un « nettoyage » des muscles pour optimiser la récupération par une activité physique de faible intensité par un apport en oxygène en augmentant le débit sanguin. Celui-ci permet une oxydation plus rapide dans l’organisme et d’éliminer les déchets (acide lactique notamment) produit dans les muscles au cours d’un effort intense est prolongé.

II Quand faire le décrassage ?

A la fin d’un match de haut niveau avec un enchaînement de matchs tous les trois jours, il faudrait à mon sens, que l’arbitre et ses assistants une fois rentrés au vestiaire, chaussent leur running pour repartir sur le terrain et effectuer un léger footing de 10 à 15mn comme le font faire la majorité des préparateurs physiques des clubs professionnels. L’objectif physiologique sera de re synthétiser le lactate qui résulte de l’acide lactique le plus vite possible avant qu’il n’exerce ses effets toxiques. Mais du fait qu’après la rencontre, il y a l’obligation de terminer la partie administrative ainsi que le débriefing de l’observateur, il me semble impossible d’aller faire ce petit décrassage.

Pour des arbitres de Ligue, il n’y a aucun intérêt de faire un décrassage de suite après un match ou le lendemain, du fait qu’il n’y a qu’un match par semaine. Pour ceux qui arbitrent deux matchs dans le week-end, je conseille de bien récupérer dès la fin du match dans le vestiaire pour préparer le match du lendemain. Le décrassage de suite après le match aurait dû sens sur un plan physiologique, mais là aussi pour des raisons administratives, parfois un débriefing de l’observateur et une question de temps, il est impossible de le faire.

A mon avis, pour des raisons physiologiques, le footing du lendemain est contre indiqué du fait que cela entraîne des microtraumatismes musculaires et agresse cette structure liée aux appuis qui seront en contact avec le sol. Cela retarderait les phénomènes de cicatrisation et de reconstitution des tissus musculaires. On rajouterait des microtraumatismes musculaires sur ceux provoquaient la veille lors du match. Le glycogène musculaire (carburant) serait à nouveau sollicité et cela retarderait la régénération de l’organisme. Si l’arbitre souhaite vraiment faire un décrassage le lendemain du match, le vélo ou la natation sont conseillés et sont de bons moyens de substitutions. Ces activités peuvent se pratiquer en famille.

III Comment bien récupérer après le match ?

En tant que préparateur physique, je conseille aux arbitres fédéraux et Ligue que j’entraîne de ne rien faire le lendemain du match. Si les matchs sont en semaine, je leur conseille d’aller voir leur kinésithérapeute pour faire un bilan musculaire, articulaire, tendineux et une récupération sous diverses formes pour préparer le prochain match qui sera beaucoup plus bénéfique qu’un footing. Par contre je leur demande aussitôt le match terminé dans le vestiaire de faire attention à leur récupération qu’elles soient hydrique, alimentaire ou autres.

Concernant la récupération hydrique, dès la rentrée au vestiaire, il est indispensable de s’hydrater. Cela va évacuer les déchets stockés pendant l’effort. Je conseille de boire une eau riche en bicarbonates (type St Yorre). Cette eau va compenser les pertes en sels minéraux (sodium, potassium, magnésium, etc…).

Concernant l’alimentation, il sera important de reconstituer les réserves énergétiques par un apport glucidique. Dans un premier temps dans le vestiaire, une banane (pas trop mure) apporte de l’énergie rapidement disponible. Après un effort prolongé et intense, elle est idéale pour refaire le plein d’énergie, ses apports permettant de rééquilibrer les pertes en minéraux, notamment en potassium qui va tamponner l’acide lactique produit au cours du match. Ensuite au repas d’après match l’arbitre devra favoriser un repas riche en glucide pour refaire le stock de glycogène.

Je conseille aussi dans le vestiaire de mettre les jambes en l’air deux minutes pour un meilleur retour veineux et  après la douche des bas de contention qui vont permettre de faire circuler le sang mal oxygéné.

Sous la douche, pour remplacer la poubelle de glace bien connue chez les sportifs de haut niveau ou les piscines installées dans les vestiaires des joueurs à une certaine température, l’arbitre utilisera la position la plus froide qu’il puisse supporter en faisant couler l’eau de la plante du pied jusqu’au quadriceps en passant par les mollets et les ischio-jambiers. Cela favorisera la circulation sanguine. Cette opération peut être répétée le matin au levé à l’hôtel. Cette opération peut être aussi utilisée en période de préparation d’avant saison avec l’enchaînement des séances d’entraînement. Le froid entraîne une vasoconstriction, les vaisseaux sanguins du muscle se contractent, le sang est éjecté du muscle et la circulation ralentie. Lorsque le froid s’arrête, le sang frais afflue dans le muscle.

Et enfin, une bonne nuit de sommeil pas toujours évidente du fait de la tension nerveuse tout au long du match. Du fait de cette courte nuit et d’un réveil très matinal pour rejoindre son domicile, la nuit d’après sera très importante en terme de récupération pour permettre à son corps de recharger les batteries.

Conclusion

En ce qui me concerne en tant que préparateur physique mais aussi ancien arbitre fédéral, par expérience à ce niveau, et après plusieurs échanges sur ce sujet avec l’ancien préparateur physique des Girondins de Bordeaux et de l’équipe de France, je préfère laisser les arbitres fédéraux que j’entraîne au repos chez eux le lendemain de match voire aussi le surlendemain quand ils arbitrent le vendredi et profiter de leur famille. L’objectif est qu’ils se détendent que ça soit sur un plan mental mais aussi par un relâchement physique. Ils reprennent ensuite le chemin de l’entraînement le lundi par un travail aérobie. Pour les arbitres de Ligue, c’est repos obligatoire le lendemain de match et reprise 48h après par là aussi une reprise aérobie.

                                                                                                     Eric BOITARD

                                                                                                DESS Préparateur Physique