Introduction
En tant que préparateur physique, j’entends très souvent des arbitres de football de tous niveaux et des coureurs à pied qui préparent un semi marathon ou marathon, prendre comme repère un pourcentage de leur fréquence cardiaque maximale ou un pourcentage de leur VMA pour leur séance. Pour moi la mesure la plus fiable pour bien cibler l’intensité de l’exercice demandé sont les seuils aérobie (seuil lactique 1) et anaérobie (seuil lactique 2). Par expérience, après analyse de courbes, prendre un pourcentage de la FC max ou de la VMA est très aléatoire pour faire un travail de qualité.
En effet les seuils sont plus précis et vont me servir de base de travail pour bien cibler l’intensité des séances pour les deux arbitres assistants fédéraux que j’entraîne et les personnes que je prépare dans l’objectif d’une course. Le seuil anaérobie me permettra avec le taux de lactate de réajuster les séances que je propose.
I Qu’est ce que les seuils ?
Pour bien comprendre l’idée des seuils, il est d’abord nécessaire de se référer à la physiologie lors d’un effort. En effet lors de la réalisation d’un effort notre organisme a besoin de carburant (sucres, graisses) et de comburant (d’oxygène) pour produire des contractions. Or, si l’effort dépasse nos capacités d’adaptation cardio-respiratoire, l’apport d’oxygène devient rapidement insuffisant pour bien utiliser nos carburants que sont le glycogène et les graisses. Afin de maintenir l’intensité de l’effort, l’organisme va donc continuer la combustion des sucres, mais en produisant des déchets appelés lactates :
Les seuils lactiques sont représentés par deux « cassures » dans la cinétique de la lactatémie au cours d’un test d’effort réalisé en laboratoire (cf vidéo). On parle de seuil aérobie (SL1) première cassure de la cinétique du lactate par rapport à sa valeur de repos. Le second on parle de seuil anaérobie (SL2). Ce dernier représente un bon marqueur du potentiel endurant. Dans ces conditions, le seuil lactique (SL1) constitue un passage clé entre les systèmes métaboliques aérobie et anaérobie.
La valeur du seuil anaérobie se situe environ à 4mmol par litre de sang. Ce taux dépend du niveau de la personne et de son état de fatigue.
II. A quoi sert le travail au seuil ?
Le seuil aérobie
Courir au seuil aérobie permet de trouver le bon équilibre entre l’apport en oxygène et sa consommation.
D’un point de vue pratique, la détermination de SL1 est un outil intéressant pour programmer et réajuster des entraînements spécifiques.
Toujours est-il que les séances d’entraînement au seuil, et celles entre les deux seuils plus confortables, ont le même but; forcer l’organisme à mettre en œuvre les mécanismes de recyclage de l’acide lactique comme carburant, produire moins de déchets pour le même effort, en d’autres termes apprendre à fournir une plus grande quantité d’oxygène à nos muscles.
En effet, le SL1 converti en fréquence cardiaque dirigerait les arbitres vers un seuil minimum d’entraînement endurance (dit aérobie), alors que les SL2 les conduirait vers un seuil minimum d’entraînement beaucoup plus difficile (dit anaérobie).
Le seuil anaérobie
Le seuil anaérobie est la limite à laquelle l’organisme n’est plus capable de fournir de l’oxygène et donc d’équilibrer le taux d’acide lactique dans le corps. Autrement dit ce seuil correspond à la phase où l’organisme rompt l’équilibre entre l’apport et la dette d’oxygène.
Repousser le seuil anaérobie permet d’apporter le maximum d’oxygène au muscle, plus le muscle va être oxygéné, plus il va être résistant dans le temps.
III. L’important de courir au seuil
L’entraînement au seuil anaérobie permet une sollicitation plus tardive du système anaérobie. L’objectif est de faire reculer l’apparition du seuil anaérobie à une vitesse plus importante. C’est à dire de reculer l’accumulation de déchets dans le sang qui limiteront la vitesse du coureur, c’est-à-dire l’arrivée de l’acide lactique.
Exemple : une personne qui a une VMA de 15km/h et un seuil anaérobie de 175, l’objectif sera de repousser ce seuil le plus haut possible pour que la personne à 15km/h soit en apport oxygène et non plus en formation d’acide lactique.
Le seuil anaérobie permet de maitriser l’apport en oxygène, tout en maitrisant l’intensité de l’exercice.
Travailler au seuil anaérobie c’est de permettre à l’organisme de répéter des efforts à haute intensité.
Non seulement le seuil peut être repoussé grâce à l’entraînement, mais l’arbitre sur des séances d’intermittent ou un coureur de marathon sur des séances de fartlek peut essayer de le maintenir le plus longtemps possible. Voire à courir à une intensité légèrement supérieure, peut également améliorer son seuil.
Toujours est-il que ce travail au seuil anaérobie améliore progressivement son endurance, car plus l’arbitre ou le coureur à pied sera capable de fournir une grande quantité d’oxygène à ses muscles, plus il sera endurant, c’est-à-dire, et c’est fondamental, capable de courir plus vite plus longtemps.
IV. Pourquoi déterminer les valeurs au seuil (en vitesse ou en fréquence cardiaque ?
L’activité d’un arbitre de football, de rugby, de basket-ball ou de handball, demande au cours d’un match des efforts intermittents réalisés à haute intensité surtout au haut niveau et le seuil lactique 2 aura une incidence directe sur la performance. Un SL2 bas (inférieur à 13,5km/h) est synonyme de capacité aérobie faible et rendra compte d’une difficulté à répéter les efforts. un SL2 élevé (supérieur à 15km/h) est synonyme de capacité aérobie importante et garantie de pouvoir enchaîner des efforts. Un des objectifs de la préparation physique lors de chaque début de saison, ou après une longue période d’inactivité pour blessure ou autre sera de reculer le moment de formation de l’acide lactique. On parle alors de travail en capacité ou travail au seuil et non en endurance fondamentale comme je l’entends chez les arbitres ou les coureurs à pied.
V. Comment connaître ces seuils ?
Pour connaître les seuils aérobie et anaérobie il faut passer un test d’effort sur tapis qui permettra de déterminer ces seuils mais aussi de voir l’évolution des courbes d’oxygène et de gaz carbonique. Ces 2 seuils sont 2 repères qui permettent d’encadrer les séances d’entraînement. Le seuil aérobie et le seuil ou l’organisme utilise de l’oxygène comme principal carburant. L’acide lactique est tamponné par un système de régulation au niveau musculaire. Le seuil anaérobie est le seuil ou l’organisme est dépassé dans ses mécanismes de compensation et d’essoufflement marqué par une accumulation d’acide lactique. Ces 2 seuils sont très variables d’un arbitre à l’autre ou entre plusieurs coureurs à pied d’où l’intérêt de le déterminer de façon précise par un test d’effort.
Ce test doit être passé à la fin des semaines de reprise d’activité c’est-à-dire la semaine qui précède la reprise de l’entraînement ou dans les trois premiers jours avec d’autres tests comme le font les joueurs de Ligue 1.
Il existe aussi le test de 5mn (cf vidéo). Le préparateur physique des Girondins de Bordeaux et ancien préparateur physique de l’équipe de France fait réaliser ce test aux joueurs tous les deux mois et ce depuis de très nombreuses années. Les joueurs de l’équipe de France ont passé également ce test avant les coupes du monde 2014, 2018 et avant le championnat d’Europe en 2016.
Ce test permet de déterminer le seuil anaérobie et une donnée essentielle qui est le taux de lactate. Ces deux mesures vont donner sur l’instant présent une photographie physiologique du joueur ou de l’arbitre ce qui permettra d’individualiser le travail comme pour la préparation physique des joueurs avant le championnat d’Europe 2016.
De mon point de vue, il est dommage que les arbitres au plus haut niveau se passent de ce test, qui est un indicateur précis afin de personnaliser les séances d’entraînement. Moi même en tant qu’arbitre et assistant fédéral au début des années deux mille, j’ai eu l’opportunité de passer ce test au centre des Girondins de Bordeaux.
Conclusion
Pour pousser l’analyse d’une séance d’entraînement avec ces seuils, il sera intéressant d’utiliser un cardiofréquencemètre pour que le préparateur physique puisse ensuite visualiser et analyser les courbes d’entraînement de l’arbitre ou du coureur à pied en fonction de l’objectif recherché de la séance. Le test d’effort sur tapis ainsi que le test des 5mn et l’utilisation d’un cardiofréquencemètre sera d’avantage pour des arbitres et assistants fédéraux ainsi que pour des coureurs à pied. Pour des arbitres de niveaux départemental ou régional, il ne sera pas nécessaire d’utiliser ces moyens. Il suffira de respecter les conseils « comment bien pratiquer les footings, le fartlek et l’intermittent ».
Eric BOITARD
DESS Préparation Physique